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De l'or dans le Nord: quand les enseignants ont la valeur de cette matière première


Mon blog s'appelle Enseignant, un métier en Nord. Oui, j'aime le Nord. J'aime les sapins tout maigres et pas très grands, j'aime les vraies montagnes, j'aime l'herbe sévère, mais généreuse de la tundra. Je crois qu'il n'y a rien de plus puissant que de se trouver seule dans un tel paysage: on apprend beaucoup sur nous-même et sur notre société dans ce silence et cette paix et on devient humble. Non, le Nord n'est pas peuplé de caribous seulement. Il y a des Inuits qui y vivent dans des villages. Dans des maisons – pas des igloos. Surpeuplées. Où il y a parfois des problèmes, d'alcoolisme, de drogue, de violence. Un enseignant passionné peut-il valoir de l'or dans cette région reculée, presque oubliée du Québec contemporain? Peut-il aider les jeunes à se créer un avenir meilleur?


Cet article est une sorte de potpourri d'informations que j'ai découvertes récemment sur quelques thématiques en lien avec les Premières Nations. Bonne lecture et laissez-moi vos impressions!


D'abord, quelques informations sur l'itinérance inuite à Montréal et le travail social dans les réserves:

Itinérants inuits à Montréal

Je suis tombée sur un article parlant de l'itinérance à Montréal. Saviez-vous que 56% de la population inuite de Montréal vit de l'assurance-emploi, du bien-être social, ou de ce qu'elle peut trouver pour survivre dans la rue? Le taux d’itinérance chez les Inuits est presque égal chez les hommes et chez les femmes, alors que chez les blancs, le taux est d’une femme pour cinq hommes[1]. Comment se fait-il que les Inuits soient autant touchés par la pauvreté? Lorsqu’ils viennent à Montréal pour recevoir des soins de santé, pour s’éduquer, pour voir de la famille, pour fuir les logements surpeuplés et la pauvreté extrême, ils vivent un choc culturel : les bruits assourdissants, les lumières étourdissantes, l'anonymat de la ville, les produits de consommation abordables.


Le travail social chez les Autochtones

Selon Christiane Guay, enseignante en travail social à l’Université du Québec en Outaouais, les mesures prises pour aider les Autochtones à régler les problèmes sociaux dans leurs communautés ne sont pas adaptées à leur réalité. Il faut tenir en compte les valeurs des cultures de ces communautés: l’importance des relations interpersonnelles qui priment sur le problème vécu, le territoire[2], le temps et la préférence pour les interventions indirectes. Effectivement, les Autochtones ont remarqué que les méthodes utilisées en ville en travail social ne fonctionnent pas dans leur milieu, car elles ne sont pas adaptées à leur situation et à leurs croyances. Se pourrait-il que le même phénomène se produise aussi en éducation?


Ensuite, les projets éducatifs efficaces dans les écoles:

Les projets éducatifs au Nunavik

La Commission scolaire Kativik, responsable de l’éducation sur le territoire du Nunavik, gère les programmes scolaires dans ses écoles. La langue d’enseignement est donc inuktitut jusqu’à la troisième année du primaire. Les parents choisissent, par la suite, si leurs enfants continuent leur éducation en anglais ou en français[3].

À l’école Ulluriaq, à Kuujjuaq, un programme de hockey a été mis sur pied par l’ancien joueur des Canadiens, Joé Juneau, en 2006. L’assiduité, l’effort et le comportement des jeunes qui font partie du programme sont fortement surveillés. Ils doivent être à leur affaire pour rester dans le programme. Les élèves ont d’ailleurs l’occasion, avec ce programme, de participer à des tournois à l'extérieur de Kuujjuaq. Le projet, qui était à la base un projet pilote testé sur une période de deux ans est maintenant officiellement implanté dans le programme scolaire de l’école Ulluriaq. Les parents des jeunes aussi s’impliquent davantage: ils font du bénévolat, ils assistent au matchs. Voici les mots de Joé Juneau, «les parents, les dirigeants politiques, les professeurs… ils doivent travailler ensemble pour former une équipe qui partage le même objectif : préparer un avenir meilleur pour les jeunes du Nunavik»[4].

Toujours à l’école Ulluriaq, un voyage au Guatemala a été organisé en 2011. Les jeunes ont travaillé dans un village pauvre et se sont émerveillé de tout ce qu’ils voyaient de différent. À leur retour, «certains ont même arrêté de consommer»[5].

À l’école Sautjuit, une activité de correspondance avec des élèves de la France a été mise sur pied et les jeunes se sont filmés pour se présenter à leurs camarades français[6]. Comment rendre les situations d'apprentissage plus significatives qu'en créant une activité de correspondance avec des élèves d'un autre pays pour pratiquer la langue française?

Un cégep à Odanak

Récemment, j’ai entendu parler du cégep Kiuna, près de Trois-Rivières. Les efforts étalés sur une dizaine d'années pour ouvrir ce premier cégep adapté aux réalités autochtones ont porté fruits en 2011. Ce cégep offre le programme sciences humaines – Premières Nations. Les cours sont donnés en anglais et en français, donc les Autochtones ne sont pas discriminés par la langue dans laquelle le programme est offert selon s’ils ont étudié en anglais ou en français. Le programme aborde l’histoire des différentes nations autochtones et les cours de langues sont basés sur l’imaginaire et la littérature autochtones. Les locaux sont modernes et technologiques : les jeunes autochtones ont découvert que des liens peuvent se créer entre des communautés à travers le web[7]. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que le cégep peut offrir des cours en langue autochtone si un groupe d’étudiants parlant la même langue est formé et si un enseignant parlant cette langue est disponible[8].


Conclusion:

Des élèves qui arrêtent de consommer, des élèves qui s'impliquent dans leurs études, des élèves qui veulent changer les choses, que peut-on espérer de mieux? Encore faut-il aller les chercher et leur donner tous les outils pour qu'ils atteignent leurs buts. Être enseignant, c’est un métier de don de soi très gratifiant, parsemé d’embûches et d’obstacles. C’est vraiment un métier en or.

Si le sujet de mon article vous a intéressé, vous aimerez probablement le livre Le premier qui pleure a perdu, version française de The Absolutely True Diary of a Part-Time Indian écrit par Sherman Alexie. Le Spokane Sherman Alexie a romancé son autobiographie et l'a accompagnée d'illustrations, de manière à ce que le lecteur se rie de situations qui, abordées différemment, le feraient pleurer. À travers l'humour, Alexie fait une critique des politiques mises en place par le gouvernement États-Unien en ce qui concerne les Autochtones et aborde certains thèmes tabous comme la masturbation et l'existence de Dieu. Ce livre a d'ailleurs été censuré dans les écoles de l'Idaho. C'est un livre authentique et puissant qui pousse à la réflexion en abordant des sujets sérieux avec un mélange de délicatesse et de dérision.

[1] Bellerose, P. (2005). Autochtones sans-abris à Montréal : perdus dans la ville. Repéré à http://cybersolidaires.typepad.com/ameriques/2005/02/autochtones_san.html

[2] Guay, C. (2012). Le travail social en milieu autochtone [Reportage radio]. Dans Le monde selon Mathieu. Montréal, Québec : Société Radio-Canada. Repéré à http://ici.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2012/CBOF/LemondeselonMathieu201208171545.asx

[3] Commission scolaire Kativik. (s.d.). Histoire de l’éducation au Nunavik. Repéré à http://www.kativik.qc.ca/fr/histoire-de-leducation-au-nunavik

[4] Affaires Autochtones et Développement du Nord Canada. (2010). Le programme de développement des jeunes du Nunavik Kuujjuaq (Québec). Repéré à https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100014549/1100100014555

[5] École Ulluriaq. (2011). Un voyage incroyable : retour du Guatemala. Repéré à http://ulluriaq.kativik.qc.ca/fr/story/un-voyage-incroyable-retour-du-guatemala

[6] École Sautjuit. (2012). Dans la classe de Marie. Repéré à http://sautjuit.kativik.qc.ca/content/dans-la-classe-de-marie-0

[7] Guéricolas, P. (2011, 22 novembre). Odanak : le collège des Premières Nations. L’actualité. Repéré à http://www.lactualite.com/societe/odanak-le-college-des-premieres-nations/

[8] Kiuna Institution. (s.d.). Programmes. Repéré à http://www.kiuna-college.com/programmes.aspx

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